L'esprit humain n'a point une marche éternellement progressive et ascensionnelle, comme le soutient contre moi, hélas ! et contre l'évidence, un ami littéraire dans ses belles Lettres à un homme tombé (il aurait mieux fait peut être de dire à un homme sorti). Mais l'esprit humain, comme toute chose humaine, n'a pas non plus d'éclipse permanente. Comme l'astre de la lumière matérielle, qui est son image, l'esprit humain a des crépuscules, des aurores, des midis, des déclins, des heures, en un mot des jours et des nuits ; mais il n'a ni jours éternels ni nuits éternelles. Il est toujours vieux et il est toujours jeune. Cette caducité l'empêche de se confondre avec la Divinité, dont il n'est que l'oeuvre et l'ouvrier, mais jamais l'égal. C'est là l'erreur de ces Guèbres modernes du feu intellectuel, inextinguible et toujours croissant en lumière. Que ces anciens amis me le pardonnent : en bonne amitié, on est obligé d'avoir tous les jours le même coeur que ses amis ; mais on n'est pas tenu d'avoir toutes les nuits le même rêve.