Nathalie et Ladislas Gara sont nés tous les deux, au début du XXe siècle, la première à Varsovie, le second à Budapest. Ils sont issus, l'un comme l'autre, de familles commerçantes moyennement aisées, comme on en voit tant dans les films d'Ernst Lubitsch, le grand cinéaste américain, originaire d'Europe centrale, avec qui ils partagent, sans doute, certaines sources d'inspiration. Très tôt, ils sont fascinés parla culture française.
Ne pouvant poursuivre leurs études dans leur pays natal, où les Juifs n'accèdent que rarement à l'Université, ils émigrent en France et font connaissance à Paris. Ils parlent, tous les deux, admirablement le français. Tout en ayant le plus grand mal à "joindre les deux bouts", Ils fréquentent les plus hautes figures de l'intelligentsia européenne, comme Arthur Koestler (un Budapestois, lui aussi) et Raymond Aron.
La guerre et la persécution contre les Juifs ne surprennent pas Ladislas Gara, journaliste et traducteur de textes politiques importants, exposant les projets secrets de Hitler. Il quitte Paris, avec sa famille, en 1940 et cherche plusieurs asiles successifs jusqu'à se retrouver en Ardèche dès 1942. Il y reste jusqu'à la fin de la guerre, d'abord clandestin, puis dès que possible, résistant actif.
C'est en Ardèche, au plus fort du conflit mondial, qu'il commence, avec sa femme, cachée comme lui, la rédaction de Saint-Boniface et ses Juifs, qui aurait dû avoir une suite : L'Apocalypse à Saint-Boniface. Rentrée à Paris, la famille Gara, qui n'a jamais pu récupérer ses maigres biens et son appartement, frauduleusement dérobés pendant l'Occupation, connaît des années noires, uniquement éclairées par la parution de Saint-Boniface, qui se révèle vite un grand succès.
Sa réédition s'avère pourtant impossible... à cause de la pénurie de papier. Dès la fin des années 50, après l'insurrection de Budapest, Ladislas Gara se consacre à la traduction en français des plus grands.poètes hongrois, une oeuvre d'envergure qui le fait internationalement connaître. Nathalie Gara poursuit, elle aussi, des travaux, unanimement appréciés, de traduction et de rédaction. Seule la mort, 1966 pour l'un, 1984 pour l'autre, interrompt leur activité.