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On a trop souvent décrit les dernières décennies de l'Ancien Régime comme l'impuissante et lente agonie d'un pouvoir et d'une société incapables de se réformer. Pourtant, à y regarder de près, les comportements démographiques évoluent de façon sensible, révélant de profondes modifications des attitudes mentales. Parallèlement, dynamisme et modernité caractérisent des secteurs importants de l'économie et de la vie sociale. L'agriculture progresse lentement, mais en mille points; le pays s'industrialise et le grand commerce maritime atteint son apogée. Une proportion non négligeable de la noblesse, voire du clergé, semble réellement imprégnée par le mouvement des Lumières et s'implique d'ailleurs dans la modernisation de l'économie et la diffusion des idées nouvelles. La société a soif de connaissances inédites, elle se passionne pour les découvertes techniques et les audaces en tout genre. Mais si la Révolution introduit une rupture évidente, que nul ne saurait nier, il convient aussi d'insister sur les continuités indéniables et l'héritage recueilli. Beaucoup d'innovations que les gouvernements révolutionnaires reprendront ultérieurement à leur compte ont été, en fait, conçues et préparées dans la dernière période de l'Ancien Régime. La Révolution, de 1789 à 1791, vécue par bien des acteurs de l'époque comme une sorte d'accomplissement, a souvent réalisé les projets que la monarchie avait tentés ou rêvés, ce qui ne constitue pas le moindre des paradoxes.