Biographie de Louis Henri Sullivan
L'architecte américain Louis Henri Sullivan (1856-1924) fut très tôt au premier rang de l'avant-garde de ce que l'on appellera plus tard, chez les modernistes, l'école de Chicago. A partir de la fin des années 1880, il se distingua par ses " immeubles de grande hauteur ", en premier lieu aux yeux de ses compatriotes et bientôt des Européens, critiques puis architectes migrants qui essaimèrent aux Etats-Unis.
Depuis l'origine, la réception de son apport à l'architecture moderne est double : d'une part l'invention ornementale, principalement issue de la tradition romantique anglo-américaine réactive à l'industrialisation, et consistant à invoquer et à représenter la nature au centre de l'urbanité ; d'autre part la composition verticale du " grand immeuble de bureaux ", conçue selon ses fonctions structurelles et d'usage.
Ce type d'édifice, premier paradigme de l'architecture moderne à l'ère industrielle, entre dans l'invention poétique des Etats-Unis. A cet aspect majeur de l'oeuvre bâti, réalisé à la maturité, s'associe en 1896 une autre invention, celle de la formule théorique que tout le siècle avait attendue, " la forme toujours suit la fonction ". Hautement revendiquée par Sullivan, cette " idée " sera cardinale, dans le siècle qui suit, pour penser et nommer le processus du projet moderne.
Mais la formule, dite du " fonctionnalisme " quoiqu'elle en excède l'univocité conceptuelle, sera tôt vouée aux gémonies par la critique et la culture dominante, parce qu'elle serait coupable de nous séparer tant du passé que de la nature. Pour admettre le legs, ou tenter de reconstituer sa cohésion, il faut lire le texte sullivanien comme un parallèle à l'oeuvre bâti. Et noter d'abord que la dualité entre ornement et composition représente une modalité certes utile mais empirique de la réception de Sullivan par les architectes, critiques et historiens, réception fluctuant selon les pratiques du projet, selon les époques, du modernisme au postmodernisme ; alors que, dans le discours de l'architecte, cette dualité n'existe pas.
Noter aussi que ce qui fait de lui un moderne est d'abord la conscience de l'irruption de la technique dans l'industrie du bâtiment et dans la vie quotidienne, et donc de l'ingénierie dans la forme du bâtiment ; ensuite, qu'il différencia son rôle d'architecte de celui de l'ingénieur. Quand ce dernier résout les contenus techniques et plus généralement fonctionnels de l'habitation, l'architecte se définit comme cherchant à les problématiser et les exprimer dans une formulation d'ensemble, à les esthétiser, soit à en valoriser la réalité concrète dans une symbolique, celle d'un langage offert et destiné à la cité des hommes.