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Carpenter's Gothic ne fait, d'un bout à l'autre, que renier l'Amérique, depuis ses (fausses) origines puritaines jusqu'au présent de l'époque reaganienne. Or tout répudier, c'est paradoxalement le seul moyen d'accompagner jusqu'au bout le mouvement même de l'écriture, qui, comme l'écrit Deleuze, est dérive et trahison. Le roman accumule les images de chute, de déchéance et de mort ; évocation d'un univers en voie d'extinction, il est cheminement, sinon vers le rien, du moins vers le presque-rien qui subsiste encore à titre précaire dans les dernières pages, quand tout est consommé et que pourtant demeure, à l'issue d'une dernière phrase sans ponctuation finale, la possibilité d'une suite indéfinie. Or ce presque-rien, ainsi mis à nu à l'instant même où il s'abîme dans l'illisible page blanche, est précisément ce qui fait qu'un texte est encore possible. C'est à cela qu'est due l'extraordinaire splendeur du diamant noir qu'est Carpenters Gathic : à sa façon de dépouiller le geste d'écrire, de l'isoler de tout ce qui n'est pas lui, de révéler comme jamais son pouvoir de déviance et de fuite, de le montrer suspendu à l'attente de la rencontre avec l'indéterminé qui tient lieu de l'origine absente et, toujours-déjà là, est antérieur à toute fondation comme à tout projet.