Mais pourquoi ai-je eu l'idée saugrenue de m'occuper de Sollers ?
Depuis toujours il me fait peur; c'est un diable.
Dans les années 70, ses imprécations feutrées m'inspiraient une crainte hors de propos, effrayante. Qu'est-ce qu'il va dire encore ? Où va-t-il frapper, qui ? Chaque fois qu'il prenait la parole, je me sentais accusée de péchés informulables; lesquels ? Aucun. Rien. Une confuse honte. J'imagine que les prophètes d'Israël savaient culpabiliser de la sorte. Vous dites ? Taisez-vous, vermisseaux ! Incultes !
Chef de bande. Bandit de l'intelligentsia, mafieux protégeant les siens et condamnant les autres sans appel; girouette. Mes amis les plus proches le trouvaient infréquentable, mes amies, toutes, attaquées de plein fouet dès qu'elles pointaient le museau sur la place publique, le vouaient aux gémonies, et j'y retournais quand même.
J'étais, je suis sans doute encore tout ce qu'il n'aime pas.
Philosophe, normalienne, intellectuelle, plutôt féministe, ex-communiste. Bas-bleu, sentimentale, midinette, crédule, militante, tout ce qu'il déteste. Et j'y revenais; j'y reviens aujourd'hui.
C. C.
Née en 1939, essayiste, philosophe, romancière, Catherine Clément est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages. Son dernier roman, La Valse inachevée, a paru en 1994 chez Calmann-Lévy.