" Pourquoi s'aligner dans une compétition si rude, parmi des coureurs professionnels le plus souvent très jeunes et en pleine possession de leurs moyens, ambitieux, avides de victoires, des gars qui font carrière, moi qui ne suis qu'un dilettante animé par des songes ? A mesure que la course approche, j'essaie de répondre à cette question que l'on m'a posée cent fois ces quatre derniers mois, et à laquelle je n'ai jamais répondu que par bribes laconiques, avec des mots simples, toujours les mêmes : la passion, le défi, l'envie de réaliser un rêve de gosse. Bon, très bien, mais encore ? Quand on a agité sous mes yeux comme un hochet le Grand Prix du Midi Libre, je n'ai pu résister à l'appel venu de mes jeunes années. J'ai parlé de fidélité, c'était aussi une dette envers moi-même, c'est le mot, je me devais bien ça puisque je me l'étais promis, quand j'avais quinze ans, dans les lignes droites interminables du bord de mer où déjà le vent s'en donnait à cœur joie pour me couper le souffle et la route. Je me voyais en jaune, en champion du monde, en coureur radieux. "
Eric Fottorino, 40 ans, est journaliste au Monde. Il est l'auteur de cinq romans, dont Un territoire fragile (Stock, 2000) qui a obtenu le prix Europe 1.