On avait pu, pendant un an (23 janvier 1656-23 janvier 1657), se procurer dix-sept brefs libelles, lettres adressées à un provincial par un de ses amis... > Lire la suite
On avait pu, pendant un an (23 janvier 1656-23 janvier 1657), se procurer dix-sept brefs libelles, lettres adressées à un provincial par un de ses amis parisiens. Au début de 1657, on les trouva réunis en un seul volume dans un recueil factice composé à partir des tirages au format original in-quarto. Au milieu de l'année, paraîtra une nouvelle édition corrigée, de format in-12, complétée en cours d'impression par une dix-huitième lettre, datée du 24 mars. En tête de ces recueils, on lisait : Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un Provincial de ses amis et aux RR. PP. Jésuites, sur le sujet de la morale et de la politique de ces Pères. Avec eux seulement apparaissait le pseudonyme choisi par Pascal pour recouvrir un anonymat que personne n'avait encore percé : les "Petites Lettres" avaient désormais un auteur. Elles étaient précédées d'un Avertissement, probablement dû à Pierre Nicole. Il y résumait le contenu et l'esprit du volume. Il y donnait aussi des précisions sur son titre : "Voilà les principales matières qui sont traitées dans ces Lettres qui ont été appelées Provinciales, parce que les premières ayant été adressées, sans aucun nom, à une personne de la campagne, l'imprimeur les publia sous ce titre : Lettres écrites à un Provincial par un de ses amis". Nicole y affirmait son impuissance à préciser qui les avait écrites : "je voudrais bien pouvoir dire maintenant quelque chose de celui duquel nous les tenons, mais le peu de connaissance qu'on en a m'en ôte le moyen, car on ne sait de lui que ce qu'il en a voulu dire. Il s'est fait connaître depuis peu par le nom de Louis de Montalte. Tout ce qu'on sait de lui est qu'il a déclaré plusieurs fois qu'il n'est ni prêtre ni docteur." Affirmation évidemment mensongère. Le rédacteur de l'Avertissement venait, pendant un an, de collaborer étroitement avec Pascal pour lui fournir la documentation dont il avait besoin et vérifier l'exactitude théologique de ce qu'il avait écrit. Grave imposture si l'on se place du point de vue moral ; déclaration nécessaire si l'on considère qu'il s'agit de fiction littéraire. Le mensonge de Nicole appartient aux conditions de lecture des Provinciales. Il fait partie des belles "inventions" d'une ouvre qui a eu l'art de quitter la théologie pour la littérature à l'insu de ses premiers lecteurs et de presque tous ceux qui les ont suivis.