Natures mortes

... Alors, lorsqu'il commença d'écrire son journal, il se promit d'être fidèle à toutes les choses, à tous les hommes qui disparaissent. Il se força à contempler la nature, comme on regarde un tableau. Il fallait bien rendre compte de New York, des massacres urbains, des horreurs quotidiennes. Il fallait bien décrire Sanchez : lui, il était parti en Colombie, parmi les paysans, les guerriers et les pauvres.
Pour quelle révolution ? Il fallait bien décrire Jéricho, vieux gardien du musée de la ville, qui ne voulait pas vieillir ou mourir : un Arménien, parmi les autres races des quartiers. Il fallait bien décrire ce que le monde ne voulait plus voir. Il fallait voir et peindre, comme les grands peintres ; parce que n'importe quelle petite scène peut avoir des allures de catastrophe. Dans les rues, le métro, ou bien, loin d'ici, dans les montagnes étrangères.