Les procureurs détiennent la « clé » du système judiciaire : en agissant à la place de leurs clients, ils leur donnent accès aux tribunaux, mais... > Lire la suite
Les procureurs détiennent la « clé » du système judiciaire : en agissant à la place de leurs clients, ils leur donnent accès aux tribunaux, mais les tiennent par le fait même à distance des juges. Gardiens de la forme, ils sont les spécialistes de la procédure, sans laquelle la justice ne serait pas. Leur profession se développe à mesure que l'écrit technique envahit les tribunaux et les règles qui la concernent se précisent du XVIe siècle jusqu'à la fin du XVIIe siècle. L'ouvrage observe, pendant cette période, les procureurs de trois villes parlementaires du Midi : Aix-en-Provence, Grenoble et Toulouse. Souvent abordés par les historiens, les problèmes qui se dressent en arrière-plan de cette observation - la place de l'institution judiciaire dans la ville, l'organisation de la justice et ses auxiliaires, l'office comme capital, l'accès à la profession, la régulation de la profession, la clientèle, la construction de l'identité professionnelle, le rapport à l'État dans les provinces - prennent, dans la lorgnette des procureurs, un tout autre sens. Ces hommes, dans leur quotidien, leurs ambitions, leur culture, sont affectés par un contexte qu'on saisit d'autant mieux qu'on l'observe à échelle humaine. Le Midi, à travers eux, paraît une fiction culturelle : entre les procureurs de Toulouse et ceux d'Aix-en-Provence, le décalage mérite d'être signalé. Personnage central de ce livre, le procureur du Midi, tel un carrefour, voit converger vers lui ceux qui cherchent un point de rencontre. Au Palais comme à la ville, les portes s'ouvrent devant celui qui gagne la confiance du plus humble comme du plus riche. Bien au fait des affaires du Palais, le procureur est aussi, dans bien des cas, un homme d'affaires. Plusieurs s'inscrivent notamment de façon très active dans le système de crédit où ils usent, comme les notaires, de leur position d'intermédiaires. Alors que la pratique du métier de procureur pourrait être ennuyeuse, les activités subsidiaires qui l'accompagnent ne sont sans doute pas pour rien dans l'intérêt qu'ils prennent à défendre leur « marché » jusqu'au XVIIIe siècle.