L'imaginaire du souterrain

Puits, caves, fosses, cachots, grottes, antres, cavernes, gouffres, labyrinthes, galeries, égouts, cloaques, catacombes, tombeaux, hypogées, caveaux, cryptes, sous-sols ou simples trous : le souterrain se décline en parcours, traversées, passages ou en séjours, autres mondes, mondes renversés, il est percée exploratoire et cavité intime, déploiement et repli - la galerie conduit à la grotte. Duel de structure comme de fonction, le souterrain développe un imaginaire ambigu : principe mâle et femelle à la fois (trouée et cavité, matrice féconde et violence destructrice), il est surtout le lieu de l'indétermination, de toute confusion, des sexes, des ordres, des mondes, des plans, du sol et du sous-sol.
Mais la thématique régressive est prélude à une renaissance initiatique : c'est à partir de la table rase du chaos que l'édifice peut s'élever. Le souterrain devient alors le lieu de toute fécondation et de toute fondation. Le souterrain n'est que la part d'ombre, très douloureuse, parfois même terrifiante et insoutenable - car la descente au secret des mondes et de soi n'est pas sans risque - mais néanmoins nécessaire que réclame la vérité pour advenir. Ce onzième cahier du CRLH explore toutes ces dimensions, à travers quinze études, de l'Antiquité à nos jours et en des aires géographiques variées, Grèce, Italie et Afrique romaines, Europe, Russie, Argentine, Amérique du Nord, Australie : chaque démarche est bien entendu unique et laisse une large part à la spécificité toute radicale de l'époque, au lieu, du genre et de l'auteur, mais la cohérence thématique du souterrain est telle, articulée notamment autour de l'ambivalence vie/mort, que la plupart des études se font écho et tissent une trame commune ou du moins complémentaire.
Pour cela, l'organisation proposée est celle d'un parcours qui tente de suivre le cheminement souterrain : de l'entrée à la matrice, en passant par le renversement régressif. Plutôt qu'une typologie des lieux souterrains (ce que plusieurs études du recueil entreprennent), le cahier présente donc une topographie et une topique d'un lieu à l'imaginaire particulièrement persistant.