L'esprit militaire espagnol - À propos de "Servitude et grandeur militaires" d'Alfred de Vigny

Malgré son titre, qui embrasse des siècles, et son sous-titre, qui évoque le début du XIXe siècle, l'ouvrage de M. Jorge Vigon, général, ministre et écrivain espagnol, est au plus haut point un livre d'actualité, car rien ne peut être plus actuel, pour le lecteur français, que la lutte contre la décadence, qui menace aujourd'hui non seulement la France et l'Europe, mais toute la race blanche. L'esprit militaire espagnol est un livre dynamique.
C'est un acte de combat. Il est né, sans doute, le jour où son auteur, alors colonel, vit figurer « Servitude et grandeur militaires » d'Alfred de Vigny, sur les rayons de la bibliothèque de son régiment. Le colonel Vigon avait lu ce livre. Il ne se laissa pas prendre, comme tant d'autres, à la sonorité du titre de l'ouvrage, et du nom de l'auteur. Il en comprit vite la nocivité et décida de combattre hardiment l'effet des « poisons subtils » de l'esthète romantique, qui tendaient à isoler l'homme de guerre, et à le rendre suspect à la nation.
Dans l'esprit militaire espagnol, le général Vigon attaque, avec une tranquille audace, le géant de la plume qu'est Vigny, non certes sur le plan de l'art ou de la littérature, mais sur celui de l'intellect et de l'esprit. Doué d'une ténacité qui révèle un caractère fort et des convictions profondes, il dissèque les fausses grandeurs, les servitudes imaginaires, et dresse sur ces débris l'image glorieuse de l'esprit militaire espagnol, celui de « cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne » qu'évoque Bossuet dans l'oraison funèbre du Grand Condé.
L'esprit militaire espagnol est un livre d'actualité, parce que cet esprit militaire, le vrai, le seul, est de tous les temps et de tous les pays. En France, le chevalier Croisé, l'officier des armées du roi, le grognard de l'Empire, le poilu de 1914, le combattant de 1940 et le « para » d'Indochine et d'Algérie, ont un fonds spirituel commun qui constitue aujourd'hui une bouée de sauvetage - la seule peut-être qui nous reste.
« Il est triste, écrit Vigny, que tout se modifie au milieu de nous, et que la destinée de l'armée soit la seule immobile ». Nombreux seront certainement les lecteurs de ce livre qui ne partageront pas cette tristesse.