Macondo (Boîte)

L'opéra Macondo a été composé et créé sur cinq ans (2012-2017). L'idée était basée sur l'histoire de G.G. Marquez Monologue d'Isabel regardant pleuvoir à Macondo, écrit par lui en 1955, avant le célèbre roman Cent ans de solitude. Le livret de l'opéra a été écrit en russe en utilisant des combinaisons de mots, syllabes, lettres et phonèmes. Travailler avec des éléments linguistiques au niveau de l'écriture sonore a conduit à la création de significations sous-jacentes pour les mots.
L'opposition du son et du bruit, qui apparaît également au niveau des phonèmes comme des grains de parole et d'expression, s'étend à tout le tissu musical de la composition. Il est difficile de caractériser cette manière de chanter et de s'exprimer qui résonne dans l'opéra : - c'est l'influence du folklore, des traditions religieuses et théâtrales, des éléments du chant classique, des éléments du chant baroque, des techniques étendues contemporaines de la voix, et de l'imitation de l'intonation chantée des enfants.
De plus, puisque les possibilités vocales et instrumentales de chaque partie solo de l'opéra Macondo sont combinées, l'instrument supplémentaire ajouté au solo vocal remplit la fonction de filtre ou d'expansion. Cela peut être interprété comme une sorte d'extension de la corporéité musicale, comme si on dotait le musicien d'incantations magiques, de nouveaux timbres de voix et de résonances internes qui soutiennent ses paroles et ses sentiments, créant une nouvelle image du "je".
Notre perception du son a été influencée par les sons technologiques, depuis le bruit radio jusqu'aux effets sonores des films et de certaines vidéos sur internet. Par ailleurs, du fait que le son naturel est souvent entendu à travers le filtre de la technologie dans les enregistrements modernes, nous avons l'étrange impression d'une transformation de ce son naturel en une espèce de " musique concrète ".
Toutes ces technologies forment une sorte de microscope auditif au travers duquel on entend, imagine et expérimente notre réalité sonore. L'utilisation du microscope auditif dans l'opéra s'accompagne de la recherche des moyens d'expression musicale qui seraient le plus en résonance avec le réalisme magique de Gabriel García Márquez, créant une atmosphère particulière de forces surnaturelles et une vision du monde au travers du prisme d'une conscience folklo-mythologique.
L'histoire elle-même s'étend sur plusieurs pages, tandis que l'opéra dure 80 minutes, ce qui est également caractéristique du souci du détail au niveau du microscope auditif. Le réalisme magique incarné dans l'opéra nous éloigne des notions de réalité, qui soi-disant nous font descendre du ciel sur la terre, contrastent avec notre fantaisie, avec notre monde de sentiments et de désirs. Au contraire, la réalité est déjà quelque chose d'imaginaire, une sorte d'image de la réalité, qui peut ensuite être symbolisée sous forme de contes et légendes.
A travers la triade de Jacques Lacan "Imaginaire - Symbolique - Réel", on peut voir la perception illusoire de la réalité, la dépendance de la réalité à un ensemble de signifiants, ainsi que la présence du non symbolisé, inexprimable, impossible Réel. C'est pourquoi dans ce cas, dans l'histoire de Gabriel García Márquez, il s'avère si organique qu'un miracle est la vie de tous les jours et que la vie de tous les jours est un miracle.