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Dans un cadre économique, la dette résulte d'un contrat entre deux personnes et/ou institutions dans un contexte où l'une et l'autre sont réputées pouvoir faire un choix non-contraint et suffisamment éclairé. La dette est ainsi celle des individus ou institutions les moins favorisés envers les détenteurs de capitaux. Cette conception de la dette est double puisque, tout à la fois, elle acte un mécanisme de pouvoir (la dette étant une injonction à payer), mais elle est aussi un mécanisme de déliaison (puisqu'une fois la dette acquittée, on se trouve affranchi de toute obligation). La dette est donc, paradoxalement, un outil de dressage violent ("tu paieras tes dettes") mais aussi un vecteur d'atomisation sociale. Face à cette conception à la fois autoritaire et individualisante de la dette, il existe une autre approche qui tend à se représenter l'existence d'une dette fondamentale reliant puissamment l'individu au groupe auquel il appartient. Dans cette perspective, développée en anthropologie et en théorie politique, le concept de dette renvoie à l'intuition fondamentale selon laquelle chaque individu est toujours déjà endetté, et donc redevable, à l'égard de la société à qui il doit tout ce qu'il est. Il en va ici de l'idée selon laquelle chaque individu doit sa situation aux efforts accomplis par les générations passées et/ou les autres membres de la société pour construire et préserver les institutions politiques et sociales qui permettent de garantir le bien ou l'intérêt commun.
Pierre Crétois est professeur de philosophie. Il est l'auteur de Le renversement de l'individualisme possessif de Hobbes à l'Etat social (Classiques Garnier, 2014).