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Le peuple de la rue sans toit ni loi, sous le viaduc du métro aérien, boulevard Blanqui, Paris 13e, comment le dire, comment le regarder sans complaisance ni compassion, avec bienveillance ? Aventure originale, regard singulier : c'est sous la forme d'un journal, tenu en 2010, 2011 et 2013, que Leila Sebbar répond à ce défi. Voisine de ces abandonnés, elle est témoin de leurs pérégrinations rituelles dans le silence et le secret, la misère et la souffrance, l'amour aussi. Un voyage au bout de l'exil.
Paris, 13e, 19 Juin 2010. Brocante boulevard Blanqui. Le couple a abandonné sa place aux brocanteurs. 11 heures. Elle me demande une cigarette près de la BNP Paribas. Je ne fume pas. Elle se dirige vers le passant suivant. 17 heures. Ils dorment tête-bêche contre la bâche de la brocante. Elle, la jambe gauche repliée couverte d'un bas résille, l'autre non. Lui, couché sur le côté droit, la main gauche glissée dans son jean à elle, au creux des fesses. 21 Juin 2011, 11 heures. C'est l'été. L'un est assis en tailleur. L'autre, allongée en odalisque, sa position favorite. Il roule une cigarette, longuement. Elle s'impatiente. Il l'allume, la lui donne. 10 Septembre 2011. Seul sous le viaduc, agenouillé devant une canette strong, comme en prière, il ne bouge pas. Où est-elle ?
Leila Sebbar, née à Aflou (Algérie), vit à Paris. Ella a publié des romans, nouvelles, récits. Parmi ses derniers titres : Le pays de ma mère. Voyage en Frances (Bleu autour, 2013) ; L'Orient est rouge (Elyzad, 2017).