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En 1900, il semblait inenvisageable que l’État devienne propriétaire d’entreprises, qu’il se transforme en industriel, en marchand ou en banquier. N’était-ce pas risquer d’aboutir un jour au collectivisme ? Un siècle plus tard, c’est l’amorce d’une privatisation de l’État, oxymore que certains jugent scandaleux et inadmissible, qui est à l’ordre du jour – y compris lorsqu’un ministre brandit contre un groupe industriel la menace d’une nationalisation. Selon une approche héritée de la Révolution, l’État ne saurait être que res publica, la chose de tous, échappant radicalement à toute privatisation. Pourtant, certaines structures étatiques ont, ou ont pu avoir, des rapports beaucoup plus complexes et plus nuancés avec la sphère privée : et en particulier l’État français sous l’Ancien régime, moderne, structuré et décentralisé, qui n’hésite pas à déléguer à l’initiative privée une large part de ses missions régaliennes. La figure de l’État exclusif et monopolisateur n’est donc pas une fatalité, et il est d’autres façons de le concevoir. Cette privatisation de l’État constitue du reste une tendance lourde dans la plupart des pays développés, où cette évolution se réalise selon deux modalités : la première (« l’État vers le privé ») correspondant à un transfert graduel de compétences, la seconde, plus novatrice (« l’État comme privé »), tendant à assimiler l’État à une personne privée, sans qu’il soit tenu compte de la singularité irréductible qui résulte de son objet et de sa nature. Pour le juriste, pour l’économiste et le financier, pour le politique, et plus largement, pour le citoyen, l’État et son devenir sont plus que jamais au centre du débat.