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Et si, aujourd'hui, Antigone s'appelait Aïcha ? Et si son objection de conscience prenait la forme du hijab ? Essayons : le vénérable texte de Sophocle résiste étonnamment bien à l'exercice. Les personnages n'ont rien perdu de leur jeunesse, les dialogues de leur actualité. Aujourd'hui, comme il y a vingt-cinq siècles, lorsque Athènes faisait l'expérience de la démocratie, le religieux relance nos interrogations : où passe, en régime d'autonomie et d'égalité, la limite du permis et de l'interdit ? Où placer les dieux dans cet agencement du collectif ? Où s'arrête le ressort de la cité et où commence l'empire du foyer ? Mais le théâtre, c'est d'abord et surtout la mise en intrigue de l'humain. Car le voile n'est ni une abstraction, ni un dogme, mais l'énigme d'une femme chaque fois différente. Chaque Aïcha voilée, c'est une humanité qui se cherche. Et la cité qui doit réinventer les formes de sa civilité.
Juriste et philosophe, François Ost est Vice-Recteur des Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles. Il a notamment publié Raconter la loi. Aux sources de l'imaginaire juridique (Odile Jacob, 2004).